Un projet d’intelligence artificielle, ça ne commence pas avec une ligne de code. Non, ça dĂ©marre bien avant, avec un document essentiel : le cahier des charges technique. C’est ce qui transforme une idĂ©e, parfois un peu floue, en une feuille de route concrète pour tout le monde, faisant le pont entre les ambitions du mĂ©tier et les rĂ©alitĂ©s des Ă©quipes de dĂ©veloppement.
Pourquoi un cahier des charges technique est-il si important en IA ?
Un projet d’IA qui rĂ©ussit, c’est avant tout un projet bien cadrĂ©. Contrairement Ă un projet informatique classique, une initiative en intelligence artificielle apporte son lot de dĂ©fis spĂ©cifiques. C’est lĂ que le cahier des charges devient non seulement utile, mais carrĂ©ment indispensable.
L’incertitude fait partie du jeu en IA. Personne ne peut garantir Ă 100 % qu’un modèle atteindra une prĂ©cision de 99 % avant mĂŞme d’avoir commencĂ© Ă l’entraĂ®ner. Le cahier des charges sert justement Ă naviguer dans ce brouillard. Il ne fait pas que lister des objectifs ; il dĂ©finit les mĂ©triques de succès et les seuils qui permettront de dire « OK, on a rĂ©ussi ».
Aligner les équipes techniques et métier
Le rĂ´le numĂ©ro un de ce document, c’est de s’assurer que tout le monde parle la mĂŞme langue. Il traduit les besoins business – souvent exprimĂ©s en termes de performance ou de rentabilitĂ© – en spĂ©cifications techniques claires pour les data scientists et les ingĂ©nieurs. Cette traduction est la clĂ© pour Ă©viter les malentendus qui peuvent faire couler un projet.
Un bon cahier des charges n’est pas une contrainte, c’est une assurance. Il garantit que toutes les parties prenantes rament dans la mĂŞme direction, avec une vision commune des objectifs, des limites et de ce qui doit ĂŞtre livrĂ© Ă la fin.
Ce document permet de mettre noir sur blanc des éléments cruciaux :
Le problème mĂ©tier prĂ©cis que l’IA doit rĂ©soudre. On ne parle pas d’« amĂ©liorer les ventes », mais plutĂ´t d’« optimiser les stocks pour rĂ©duire les invendus de 15 % » ou de « dĂ©tecter les transactions frauduleuses en temps rĂ©el ».
Les exigences en matière de donnĂ©es : d’oĂą viennent-elles ? Sont-elles de bonne qualitĂ© ? Faut-il les Ă©tiqueter manuellement ? C’est une Ă©tape critique.
Les attentes de performance du modèle, qui vont bien au-delà de la simple précision technique. On parlera aussi de temps de réponse, de coût par prédiction, etc.
Les contraintes d’infrastructure pour l’entraĂ®nement et le dĂ©ploiement. Le modèle devra-t-il tourner sur un serveur local ou dans le cloud ?
Ancrer le projet IA dans la réalité de votre entreprise
Un projet d’IA, mĂŞme le plus ambitieux, ne peut pas dĂ©coller s’il n’est pas solidement ancrĂ© dans les objectifs très concrets de votre entreprise. C’est une règle d’or. Avant mĂŞme de penser Ă Ă©crire une seule ligne de spĂ©cification technique, il faut rĂ©pondre Ă une question fondamentale : pourquoi ? Quel problème mĂ©tier prĂ©cis cherche-t-on Ă rĂ©soudre ?
On a souvent tendance Ă survoler cette Ă©tape initiale, pourtant c’est la plus importante. Sans un objectif clair et partagĂ©, votre projet risque de n’ĂŞtre qu’une belle vitrine technologique, coĂ»teuse et sans impact rĂ©el. Le cahier des charges technique doit ĂŞtre la traduction directe de cette ambition stratĂ©gique.
Définir le problème métier avec une précision chirurgicale
Il ne suffit pas de vouloir « optimiser les processus » ou « amĂ©liorer l’expĂ©rience client ». Ces intentions sont louables, mais bien trop vagues pour lancer un projet IA. Pour ĂŞtre pertinent, un objectif doit ĂŞtre quantifiable, spĂ©cifique et mesurable.
Prenons un exemple concret : une entreprise d’e-commerce qui veut utiliser l’IA pour ses stocks. Au lieu de viser une vague « meilleure gestion », l’objectif formulĂ© dans le cahier des charges pourrait ĂŞtre beaucoup plus percutant : « RĂ©duire les ruptures de stock sur nos 50 produits phares de 20 % d’ici six mois, tout en diminuant le sur-stockage de 15 % ».
Cette simple phrase change tout. Elle donne une direction claire Ă l’Ă©quipe technique et, surtout, elle permet de mesurer objectivement le succès du projet, bien au-delĂ de la simple performance du modèle.
Identifier les parties prenantes, les vrais alliés du projet
Un projet IA n’est jamais l’affaire d’une seule Ă©quipe. Son succès repose sur une collaboration Ă©troite entre diffĂ©rents acteurs, dont il faut comprendre et intĂ©grer les besoins dès le dĂ©part. C’est une Ă©tape absolument non nĂ©gociable.
Voici les profils que vous devez absolument avoir autour de la table :
Les utilisateurs finaux : Ce sont eux qui interagiront avec la solution au quotidien. Leurs retours sont de l’or en barre pour s’assurer que l’outil soit utile et, surtout, utilisĂ©.
Les experts du domaine : Ils possèdent la connaissance métier indispensable. Dans un projet de détection de fraude, par exemple, ce sont les analystes financiers qui connaissent les schémas suspects sur le bout des doigts.
La direction et les décideurs : Ce sont eux qui valident les budgets. Ils doivent être convaincus du retour sur investissement.
L’Ă©quipe technique (IT et data) : Ils Ă©valueront la faisabilitĂ©, les contraintes d’intĂ©gration et les ressources nĂ©cessaires.
Omettre une de ces parties prenantes, c’est prendre le risque de dĂ©velopper une solution techniquement parfaite mais complètement dĂ©connectĂ©e des rĂ©alitĂ©s du terrain ou des objectifs stratĂ©giques de l’entreprise.
La meilleure façon de faire ? Organiser des ateliers de travail avec ces diffĂ©rents groupes. C’est le moment de recueillir leurs attentes, leurs craintes et leurs contraintes. Cette matière première est fondamentale pour rĂ©diger un cahier des charges technique qui soit Ă la fois ambitieux et rĂ©aliste.
Traduire les besoins en objectifs mesurables (et pas seulement techniques)
Une fois le problème cernĂ© et les acteurs identifiĂ©s, il faut traduire tout ça en objectifs mesurables, les fameux KPIs (Key Performance Indicators). La tentation, pour un projet IA, est de se jeter sur les mĂ©triques techniques comme la prĂ©cision (accuracy) ou le score F1 du modèle. C’est une erreur classique.
Un modèle peut ĂŞtre prĂ©cis Ă 99 % en laboratoire, mais n’apporter aucune valeur s’il est trop lent, trop coĂ»teux Ă faire tourner ou si ses erreurs se concentrent sur les cas les plus critiques pour le business.
Il est donc crucial de définir deux types de KPIs.
Type de KPI | Description | Exemple concret (Détection de fraude) |
---|---|---|
KPIs Techniques | Ils mesurent la performance intrinsèque du modèle d’IA. | – Taux de vrais positifs (fraudes bien dĂ©tectĂ©es) |
KPIs MĂ©tier | Ils mesurent l’impact rĂ©el du projet sur l’entreprise. | – RĂ©duction du montant total des fraudes de X % |
Le vrai succès se trouve Ă l’intersection de ces deux mondes. Votre cahier des charges technique doit explicitement lier les performances techniques attendues aux gains mĂ©tier espĂ©rĂ©s. Ainsi, tout le monde comprend que le but n’est pas de construire un algorithme pour le plaisir, mais de gĂ©nĂ©rer de la valeur tangible pour l’entreprise.
Une fois que votre projet est bien ancrĂ© dans ses objectifs business, l’Ă©tape suivante est cruciale : il faut transformer cette vision en un langage que les dĂ©veloppeurs, et surtout les machines, peuvent interprĂ©ter. C’est lĂ que le cahier des charges technique entre en scène. Il va permettre de passer des idĂ©es abstraites Ă des exigences concrètes, mesurables et sans la moindre ambiguĂŻtĂ©.
Cette phase est un vĂ©ritable point de bascule. C’est elle qui fait la diffĂ©rence entre un document de travail solide et une simple liste de vĹ“ux pieux. On ne se contente pas de lister ce que le système doit faire (les exigences fonctionnelles), on doit aussi prĂ©ciser comment il doit le faire (les exigences non fonctionnelles). C’est un peu comme la diffĂ©rence entre demander « une voiture » et spĂ©cifier qu’elle doit atteindre les 100 km/h en moins de 5 secondes. L’un est un souhait, l’autre est une spĂ©cification.
Les exigences fonctionnelles : bien plus que de simples user stories
Dans le monde de l’IA, les exigences fonctionnelles dĂ©passent largement le cadre des traditionnelles « user stories ». On ne dĂ©crit pas seulement ce qu’un utilisateur peut faire sur une interface, mais surtout comment il interagit avec les prĂ©dictions et les rĂ©sultats gĂ©nĂ©rĂ©s par l’intelligence artificielle.
Prenons l’exemple d’un système de recommandation pour un site e-commerce :
Le système doit proposer cinq produits similaires Ă l’utilisateur sur chaque page produit qu’il consulte.
L’utilisateur doit avoir la possibilitĂ© d’exclure une recommandation pour qu’elle n’apparaisse plus.
Le système doit expliquer pourquoi un produit lui est recommandé (par exemple : « Parce que vous avez aimé le produit X »).
Ce dernier point, la justification, est typique des projets IA. Il ne s’agit pas d’une simple fonctionnalitĂ©, mais d’une rĂ©ponse directe au besoin de transparence et de confiance de l’utilisateur.
L’infographie ci-dessous montre bien comment une Ă©quipe projet collabore pour mettre Ă plat ces exigences, transformant des discussions parfois floues en spĂ©cifications prĂ©cises et exploitables.
Ce dialogue constant entre les experts métier et les équipes techniques est la clé. Il garantit que les fonctionnalités imaginées sont non seulement pertinentes pour le client final, mais aussi techniquement réalisable.
Les exigences non fonctionnelles : le moteur silencieux de votre projet
Si les exigences fonctionnelles reprĂ©sentent le « quoi », les non fonctionnelles sont le « comment ». On a souvent tendance Ă les nĂ©gliger, et pourtant, ce sont elles qui dĂ©terminent si votre solution sera vraiment utilisable dans le monde rĂ©el. Pour un projet d’IA, certaines sont tout simplement vitales.
Il est essentiel de bien comprendre la diffĂ©rence entre ces deux types d’exigences pour construire un cahier des charges qui tienne la route.
Type d’exigence | Description | Exemple concret (Système de recommandation) |
---|---|---|
Fonctionnelle | DĂ©cris une action ou une capacitĂ© spĂ©cifique du système. C’est ce que le système fait. | L’utilisateur doit pouvoir ajouter un produit recommandĂ© directement Ă son panier. |
Non fonctionnelle | DĂ©finis la qualitĂ© ou la manière dont le système exĂ©cute une action. C’est comment le système se comporte. | Le temps d’affichage des recommandations ne doit pas dĂ©passer 500 ms après le chargement de la page. |
Ce tableau illustre parfaitement la complĂ©mentaritĂ© : l’un dĂ©finit la fonctionnalitĂ©, l’autre s’assure qu’elle est performante et agrĂ©able Ă utiliser.
Voyons quelques exigences non fonctionnelles critiques pour un projet IA :
1. Performance et latence
La vitesse, c’est le nerf de la guerre. Une recommandation de produit qui s’affiche après que l’utilisateur a dĂ©jĂ quittĂ© la page ne sert Ă rien.
- Exigence chiffrée : Le temps de réponse pour une prédiction (inférence) doit être inférieur à 200 millisecondes pour 95 % des requêtes.
2. Scalabilité
Votre système doit ĂŞtre capable de monter en charge sans s’Ă©crouler. Que se passe-t-il pendant les soldes ou le Black Friday ?
- Exigence chiffrĂ©e : Le système doit pouvoir encaisser jusqu’Ă 1 000 requĂŞtes par seconde durant les pics de trafic, avec une dĂ©gradation maximale de 10 % du temps de rĂ©ponse moyen.
3. Sécurité
Les donnĂ©es qui nourrissent vos modèles d’IA sont souvent le trĂ©sor de l’entreprise. Il faut les protĂ©ger.
- Exigence chiffrĂ©e : Toutes les donnĂ©es personnelles identifiables (PII) doivent ĂŞtre anonymisĂ©es avant l’entraĂ®nement et chiffrĂ©es au repos comme en transit, conformĂ©ment au RGPD.
4. Maintenabilité
Un modèle d’IA n’est jamais vraiment « terminé ». Son code, ses donnĂ©es et ses configurations doivent ĂŞtre impeccablement documentĂ©s pour faciliter les futures mises Ă jour et le rĂ©-entraĂ®nement.
- Exigence chiffrée : Le code doit respecter les standards de style (ex: PEP 8 pour Python), et chaque composant clé doit être documenté pour expliquer son rôle et ses dépendances.
Le conseil de l’expert : Bannissez les termes vagues comme « rapide » ou « sĂ©curisé ». La seule façon de rendre ces exigences testables est de les quantifier. Des chiffres clairs, comme « 200 ms » ou « 99,9 % de disponibilité« , crĂ©ent des objectifs concrets et mesurables pour toute l’Ă©quipe, Ă©vitant ainsi les malentendus et les dĂ©ceptions.
Cette distinction nette entre le fonctionnel et le non fonctionnel est la colonne vertĂ©brale d’un cahier des charges technique rĂ©ussi. Elle assure que le produit final ne se contentera pas de « marcher », mais qu’il marchera bien, de manière fiable et sĂ©curisĂ©e, pour vraiment rĂ©pondre aux attentes de l’entreprise et de ses utilisateurs.
DĂ©finir les contraintes de donnĂ©es et d’infrastructure
Un projet d’intelligence artificielle, c’est avant tout une histoire de donnĂ©es et de puissance de calcul. Ces deux piliers – les donnĂ©es qui nourrissent le modèle et l’infrastructure qui le fait tourner – sont absolument indissociables. Omettre de les dĂ©tailler dans votre cahier des charges technique, c’est un peu comme vouloir construire une voiture de course sans se prĂ©occuper ni du moteur, ni du carburant. C’est Ă cette Ă©tape que l’on ancre vĂ©ritablement le projet dans la rĂ©alitĂ© technique.
La discussion doit aller bien au-delĂ d’un simple « on a besoin de donnĂ©es ». Il faut se lancer dans une vĂ©ritable cartographie, ultra-prĂ©cise, de toutes ces dĂ©pendances. Sans cette clartĂ©, c’est la porte ouverte aux retards coĂ»teux et aux rĂ©sultats qui ne seront jamais Ă la hauteur des attentes.
Spécifier les besoins en données comme un expert
Les donnĂ©es, c’est l’oxygène de votre IA. Dans le cahier des charges, leur description doit donc ĂŞtre d’une prĂ©cision chirurgicale. Une dĂ©finition vague Ă ce stade est la garantie quasi certaine de rencontrer des problèmes de qualitĂ© et de pertinence plus tard.
Commencez par le commencement : la nature même des données nécessaires.
Type de donnĂ©es : De quoi parle-t-on concrètement ? D’images (JPEG, PNG) ? De texte brut ? De documents plus ou moins structurĂ©s (JSON, XML) ? Peut-ĂŞtre de sĂ©ries temporelles issues de capteurs, ou de simples donnĂ©es tabulaires comme des fichiers CSV ?
Volume estimĂ© : Quelle quantitĂ© de donnĂ©es vous faut-il pour un premier entraĂ®nement ? Soyez prĂ©cis. Parlez en nombre d’enregistrements (par exemple, 100 000 transactions clients) ou en gigaoctets. N’oubliez pas non plus d’anticiper la croissance future.
Source et accessibilitĂ© : D’oĂą viendront ces prĂ©cieuses donnĂ©es ? D’une base de donnĂ©es interne, d’APIs tierces, de fichiers plats qui dorment sur un serveur ? Sont-elles facilement accessibles ou, comme c’est souvent le cas, bien gardĂ©es dans des silos organisationnels ?
Format et fraĂ®cheur : Votre modèle a-t-il besoin de donnĂ©es en temps rĂ©el, ou est-ce qu’un export quotidien suffit ? La fraĂ®cheur est un critère critique pour de nombreux cas d’usage, comme la dĂ©tection de fraude.
Un conseil d’expĂ©rience : la qualitĂ© primera toujours sur la quantitĂ©. Un jeu de donnĂ©es plus petit mais propre et parfaitement Ă©tiquetĂ© donnera de bien meilleurs rĂ©sultats qu’un lac de donnĂ©es immense mais complètement chaotique. Voyez l’Ă©tiquetage non pas comme une corvĂ©e, mais comme un investissement stratĂ©gique.
Cette Ă©tape est souvent celle qui rĂ©vèle les premiers gros dĂ©fis. La disponibilitĂ© des donnĂ©es est rarement une Ă©vidence, leur qualitĂ© est souvent inĂ©gale, et la nĂ©cessitĂ© d’un Ă©tiquetage manuel peut vite devenir un goulot d’Ă©tranglement qui consomme jusqu’Ă 80 % du temps total d’un projet IA.
Pour les projets qui doivent s’appuyer sur des connaissances externes, il est parfois malin d’explorer des approches comme le Retrieval-Augmented Generation (RAG) pour enrichir vos modèles. D’ailleurs, vous pouvez en apprendre plus sur la technique RAG dans notre article dĂ©diĂ©.
Calibrer l’infrastructure sans gaspillage
Une fois que la question des donnĂ©es est sur la table, il faut s’attaquer Ă la machine qui va les traiter. Un bon cahier des charges technique doit fournir une estimation rĂ©aliste des ressources de calcul, de stockage et de rĂ©seau.
La question n’est pas juste de choisir entre le cloud et une installation sur site (on-premise). Il faut aller dans le dĂ©tail pour Ă©viter deux Ă©cueils classiques : sur-provisionner (et jeter l’argent par les fenĂŞtres) ou sous-provisionner (et brider complètement les performances).
Puissance de calcul (CPU vs GPU)
C’est la nature de votre modèle qui va dicter le choix.
CPU : C’est souvent suffisant pour des modèles de machine learning « traditionnels » (classification simple, rĂ©gression) et pour une bonne partie des tâches d’infĂ©rence.
GPU : Ils deviennent indispensables pour l’entraĂ®nement des modèles de deep learning, surtout les grands modèles de langage (LLM) ou les modèles de vision par ordinateur qui exigent des calculs parallèles massifs.
Stockage et réseau
Le volume de vos données va directement influencer vos besoins en stockage. Pensez non seulement au stockage des données brutes, mais aussi à celui des données une fois transformées, et bien sûr, des modèles eux-mêmes.
Stockage : Un stockage rapide (type SSD) est crucial pour les phases d’entraĂ®nement oĂą les accès aux donnĂ©es sont très frĂ©quents.
Réseau : La bande passante est-elle suffisante pour faire circuler rapidement ces gros volumes de données entre le stockage et les machines de calcul, surtout si votre architecture est distribuée ?
Pour que ce soit plus concret, comparons les besoins pour deux projets très différents.
Ressource | Projet A (Classification de sentiments) | Projet B (EntraĂ®nement d’un LLM personnalisĂ©) |
---|---|---|
Données | 50 000 avis clients (texte, ~100 Mo) | 200 Go de texte (corpus de documents) |
Calcul (Entraînement) | 1 machine avec un CPU puissant (quelques heures) | Plusieurs machines avec des GPU haut de gamme (plusieurs jours/semaines) |
Calcul (Inférence) | Instances CPU légères | Instances GPU pour une faible latence |
Stockage | Moins de 1 To, stockage standard | Plusieurs To de stockage rapide (SSD/NVMe) |
Ce petit tableau montre bien Ă quel point les besoins peuvent exploser d’un projet Ă l’autre. En dĂ©finissant tout cela noir sur blanc dans votre cahier des charges technique, vous donnez Ă votre Ă©quipe d’infrastructure une feuille de route claire pour construire un environnement Ă la fois performant et optimisĂ©. Bref, une base saine pour accueillir votre future solution IA.
Voir plus loin que le lancement : anticiper le cycle de vie du modèle IA
Beaucoup de projets IA trĂ©buchent sur une idĂ©e reçue : une fois le premier modèle livrĂ©, le travail est terminĂ©. C’est une erreur classique, qui mène bien souvent Ă la dĂ©ception. Un projet rĂ©ussi est un projet dont on a pensĂ© l’existence entière, bien au-delĂ de la phase de dĂ©veloppement initiale. Votre cahier des charges technique doit absolument reflĂ©ter cette vision Ă long terme, en planifiant la validation, le dĂ©ploiement et, surtout, la maintenance.
Penser au cycle de vie complet, c’est tout simplement s’assurer que votre solution IA ne deviendra pas obsolète ou inefficace en quelques mois. C’est transformer un sprint de dĂ©veloppement en un vĂ©ritable marathon de performance.
Mettre en place une stratégie de validation qui a du sens
La validation, ce n’est pas juste vĂ©rifier si le modèle est « prĂ©cis ». Elle doit ĂŞtre pensĂ©e pour coller Ă la rĂ©alitĂ© du terrain et aux vrais enjeux de votre mĂ©tier. Il est donc essentiel de dĂ©finir les bonnes mĂ©triques dès le dĂ©part.
La prĂ©cision globale (l’accuracy) est souvent une mĂ©trique en trompe-l’Ĺ“il. Imaginez un modèle qui doit dĂ©tecter une maladie rare : s’il prĂ©dit systĂ©matiquement « non malade », il aura une prĂ©cision de plus de 99 %, mais ne servira strictement Ă rien. Votre cahier des charges doit donc exiger des mĂ©triques plus fines, adaptĂ©es Ă votre contexte :
La prĂ©cision (precision) : Parmi toutes les prĂ©dictions positives, combien Ă©taient justes ? C’est la clĂ© pour limiter les faux positifs.
Le rappel (recall) : Sur tous les cas qui Ă©taient rĂ©ellement positifs, combien le modèle a-t-il su trouver ? Indispensable pour ne rien rater d’important.
Le F1-score : C’est une moyenne harmonique entre la prĂ©cision et le rappel. Un excellent compromis pour Ă©quilibrer les deux.
Ensuite, il faut dĂ©crire noir sur blanc comment seront créés les jeux de donnĂ©es de test. Ils doivent ĂŞtre un miroir fidèle de la diversitĂ© et de la complexitĂ© des donnĂ©es que le modèle croisera en production. Ne vous contentez pas d’un Ă©chantillon pris au hasard. Assurez-vous d’y glisser des cas limites et des scĂ©narios rares mais critiques pour vraiment Ă©prouver la soliditĂ© de votre IA.
Anticiper la surveillance et la maintenance
Un modèle d’IA n’est pas une statue de marbre. Une fois en production, ses performances vont forcĂ©ment se dĂ©grader avec le temps. C’est ce qu’on appelle la dĂ©rive du modèle (model drift). Ce phĂ©nomène se produit quand les donnĂ©es du monde rĂ©el changent et ne ressemblent plus Ă celles qui ont servi Ă l’entraĂ®ner.
Votre cahier des charges technique doit donc prévoir un plan de surveillance et de maintenance solide.
Suivi des performances : Définissez les indicateurs (KPIs) techniques et métier qui seront scrutés en permanence. Mettez en place des alertes automatiques si une métrique tombe sous un seuil critique.
Détection de la dérive : Spécifiez les outils et méthodes pour repérer une dérive des données (data drift) ou une dégradation des concepts (concept drift).
Plan de ré-entraînement : Quand et comment le modèle sera-t-il remis à jour ? Faut-il prévoir un cycle régulier (tous les mois, par exemple) ou seulement quand une baisse de performance est détectée ?
Cette approche proactive est votre meilleure garantie de fiabilité sur le long terme.
En intĂ©grant ces trois dimensions – validation, dĂ©ploiement et maintenance – votre document se transforme en une vĂ©ritable feuille de route stratĂ©gique. C’est l’assurance que votre investissement en IA portera ses fruits bien au-delĂ du lancement.
Les questions que tout le monde se pose sur le cahier des charges technique IA
MĂŞme avec le meilleur guide du monde, il reste souvent des zones d’ombre au moment de se lancer dans la rĂ©daction d’un cahier des charges technique pour un projet IA. C’est tout Ă fait normal. Chaque projet est unique, avec son lot de dĂ©fis spĂ©cifiques. Voici quelques rĂ©ponses directes et concrètes aux questions qui reviennent le plus souvent sur le terrain.
Quelle est la différence entre un cahier des charges fonctionnel et technique ?
C’est une distinction essentielle Ă comprendre. Le cahier des charges fonctionnel, c’est le « quoi ». Il dĂ©crit ce que le système doit faire du point de vue de l’utilisateur final ou du mĂ©tier. Imaginez-le comme une liste au Père NoĂ«l : il exprime les besoins et les fonctionnalitĂ©s attendues, sans se soucier de la tuyauterie derrière.
Le cahier des charges technique, lui, rĂ©pond au « comment ». C’est lui qui va traduire les besoins mĂ©tier en instructions claires pour les Ă©quipes de dĂ©veloppement. Dans un projet d’intelligence artificielle, il va s’attaquer au dur : l’architecture Ă mettre en place, les algorithmes qui semblent les plus prometteurs, les technologies Ă privilĂ©gier (Python, TensorFlow, etc.) et, surtout, les objectifs de performance Ă atteindre.
Pour faire simple :
Fonctionnel : Le besoin mĂ©tier, la vision, l’objectif Ă atteindre.
Technique : La solution envisagée, la feuille de route pour les ingénieurs.
Qui doit rédiger ce document ?
C’est un travail d’Ă©quipe, point final. L’idĂ©e qu’une seule personne puisse rĂ©diger ce document est une illusion. Le chef de projet ou le product owner est souvent au volant pour piloter le processus, mais il ne peut pas le faire seul. La qualitĂ© du document dĂ©pendra directement de la collaboration entre les diffĂ©rents experts.
Pour que ça fonctionne, il faut une vraie synergie entre :
Les architectes logiciels et les ingĂ©nieurs DevOps, qui vont s’assurer que le projet est techniquement faisable et qu’il s’intĂ©grera bien dans l’existant.
Les data scientists, qui apportent leur expertise sur les modèles, les données indispensables et les métriques pour valider le succès.
Les experts métier et les utilisateurs finaux, qui gardent les pieds sur terre et vérifient que la solution technique répond bien au problème de départ.
Oublier l’un de ces acteurs, c’est le meilleur moyen de produire un document dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ©. Soit il sera trop thĂ©orique pour ĂŞtre utile, soit techniquement irrĂ©alisable. La collaboration n’est pas une option, c’est la clĂ©.
Le cahier des charges technique doit-il être figé ?
Surtout pas ! C’est une erreur classique de le voir comme un texte gravĂ© dans le marbre. En IA, l’expĂ©rimentation est au cĹ“ur de tout. Le cahier des charges doit donc ĂŞtre un document vivant.
Il sert Ă poser un cadre de dĂ©part, une vision et des contraintes claires. Mais il est fait pour Ă©voluer. Au fil des recherches et des tests, l’Ă©quipe va faire des dĂ©couvertes, se heurter Ă des murs, trouver des raccourcis. Le document doit ĂŞtre mis Ă jour pour intĂ©grer ces apprentissages, en suivant un processus de modification simple et connu de tous. C’est cette agilitĂ© qui permet de construire la meilleure solution, un peu comme un chatbot intelligent qui s’amĂ©liore Ă chaque conversation.
Chez IALab, nous savons par expĂ©rience qu’un cahier des charges technique bien ficelĂ© est la première pierre d’un projet IA rĂ©ussi. Nous vous aidons Ă transformer vos ambitions en une feuille de route technique claire, rĂ©aliste et parfaitement alignĂ©e sur vos objectifs.